Photo-montage issu d’un diaporama sur la bataille de Verdun, réalisé par Hubert Tassel (Amicale Ubayenne des Chasseurs Alpins)

Notes du colonel de Barescut écrites le samedi 26 février 1916

Je ne suis pas plus vaillant ce soir. Hier je suis parti en auto de Noailles avec le commandant Faugeron. Nous allons à Chantilly où nous trouvons le général Pétain. [Celui-ci avait été saisi à Paris, dans une chambre d’hôtel près de la gare du Nord, par Serrigny que j’avais envoyé à sa recherche et qui devait à tout prix le trouver dans Paris].

Grande conférence du lieutenant-colonel Renouard, du Colonel Ragueneau, du Général Janin qui nous mettent au courant de la situation critique de la R.F.V. (Région Fortifiée de Verdun).  Le général Pétain prend le commandement de la R.F.V. et des troupes en renfort. Ordre d’arrêter le recul et d’empêcher le passage sur la rive gauche de la Meuse. Je repars et déjeune au buffet de la gare de Châlon. La neige tombe. On marche difficilement. Nous voyons le général Gouraud. De Châlon je repars toujours avec Faugeron pour Souilly, où est le Q.G. de la R.F.V. Quel désordre ! Les convois barrent les routes, et à Souilly, pas une  carte ! Nous arrivons à la nuit. Je prends le commandement des deux états-majors. J’y perds la tête ! C’est d’une complication inouïe et à ne pas s’y reconnaître. Les nouvelles les plus pessimistes arrivent. Le fort de Douaumont est pris. On a perdu la côte de Talou qu’on a reprise ensuite. Les nouvelles sont d’ailleurs contradictoires. Je me couche à 23h. Il fait un froid de loup. Je ne dors pas. Le matin je me lève vers 6h. Les nouvelles sont graves. Le désordre complet. Nous partons pour Dugny où est le PC du Général Herr, commandant de la R.F.V. Le général, à qui il a été notifié la veille qu’il prenait le commandement, donne des ordres. Il est très calme, très maître de lui. C’est un chef il n’y a pas de doute. il organise le commandement. On fait l’ordre dans la soirée, très péniblement – de Bazelaire, Guillaumat, Balfourier, Duchêne. Les renseignements sont toujours de plus en plus contradictoires. On nous téléphone que le fort de Douaumont a été repris. Cette nouvelle est démentie ensuite, ce qui n’a pas empêché de le téléphoner au G.Q.G. qui parle déjà de distribuer des récompenses. Le G.Q.G. nous envoie un message téléphoné disant de faire passer en conseil de guerre les généraux Bapot et Chrétien (30e corps d’armée) qui ont reculé et abandonné leurs positions.  Les Boches nous ont fait des quantités de prisonniers et pris des canons. La prise de Verdun aurait un retentissement énorme et les Allemands en ont justement besoin. Espérons, et je le crois, que cela ne se produise pas. Mais nous sommes en mauvaise posture.

Notes écrites le 27 février 1916
Cela n’a pas été plus facile aujourd’hui. Quel fourbi et quel travail ! C’est à ne plus donner de la tête. Le général Pétain encaisse parfaitement. Il est fatigué, surtout de ne pas dormir. Canonnade effroyable. On nous annonce que Eix est pris par les Boches, puis c’est démenti. L’attaque a été repoussé. Verdun est bombardé et en flamme. Nos pertes sont sévères. Nous sommes engagés à fond, ajoutons à cela le dégel !! Enfin, à la grâce de Dieu ! Le général Pétain va prendre le commandement de la 3e armée et de la 2ème. Le Général Humbert est donc mis sous ses ordres. Il commandera sur la rive gauche de la Meuse et le général Herr sur la rive droite !
Les noms des différentes unités dansent dans ma tête. J’entends le canon ! Il faut dormir.

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Général Nivelle – Verdun 1916

(*) A lire aussi le livre de Arthur Conte :

« VERDUN Ce jour-là, le 24 octobre 1916 »

Extrait de « Le chemin de la Victoire » par Louis Madelin :

« ………. pour comprendre la seconde phase de la bataille de Verdun et s’expliquer cette singulière victoire qui consistait à n’être pas vaincu. Mais ce moral merveilleux des troupes eût été vain, s’il n’avait été sagement employé. Or, Pétain et son remarquable état-major, le colonel de Barescut en tête, s’étaient mis au travail sans perdre une heure. Je peux dire que j’ai vu là un état-major parfait en action ; sous la main sèche et nerveuse de Barescut, les services de l’armée rendaient au maximum pour les desseins de Pétain ………»

Notes du colonel de Barescut écrites le 24 octobre 1916 (*) – Saint Magloire
Le matin pluie très fine, plafond à 200 mètres. Nous sommes anxieux. Le général Pétain vient … Le général Nivelle va à Regret. L’attaque est décidée – à Dieu va ! Le général Joffre vient et on se met à table. Il y a aussi le général Ragueneau. L’attaque doit partir à 11h40. Nous recevons à table les 1ers renseignements – excellents progrès partout, surtout à gauche et à droite. Pas de nouvelle encore de la Divison Passaga. On en aura plus tard de très bonnes. Puis nous apprenons que tout va bien, très bien. Le général Joffre va voir les PC des autres groupements – il est plein d’espoir. Les généraux Pétain et Nivelle vont à Regret. Le général Pétain donne l’ordre formel de s’installer sur les positions conquises et de préparer l’attaque du fort de Vaux. Par contre le général Joffre qui dîne avec nous le soir, dit au général Nivelle de pousser tant qu’il pourra, qu’il le couvrait complètement. Le général Nivelle très embarrassé prendra peut-être une solution intermédiaire.
En somme journée excellente. Nous avons progressé de plus de 3 kilomètres sur un front de 7 km. Le village et le fort de Douaumont sont à nous.
Pour le fort de Douaumont, j’avais rendu compte au G.Q.G. que nous étions de l’autre côté du fort dont nous tenions certainement la superstructure. Le général Joffre a tenu à ce que nous disions que nous nous étions emparés de fort. Tant pis, ajoute-t-il si les Boches demain nous reprennent le fort.
Le radio boche de hier disait que pour soulager la Somme et détourner leur attention, nous avions attaqué sur la Meuse, mais que par leurs tirs d’artillerie ils avaient fait avorter notre attaque. Le général Joffre fait téléphoner au général Pelle de signaler la fausseté du radio allemand en disant que hier, nous n’avions pas attaqué.
Le général Joffre était très gai « le Kronprinz est dans ses petits souliers, me dit-il. C’est bien son tour et il ne dormira pas certainement comme moi cette nuit ». Oui, c’est bien la réponse à faire à ceux qui disaient que l’armée de Verdun était incapable de bien faire.
Le général Nivelle téléphone le soir au général Mangin pour lui confirmer son ordre de pousser dès ce soir des reconnaissances offensives. Le général Mangin a renforcé ses premières divisions engagées pas des divisions de 2ème ligne de manière à pousser l’attaque en particulier sur le fort de Vaux.

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