En 1918 et 1919, la 42e Division d’Infanterie est composée principalement pour l’ID42 des 94e, 151e et 332e R.I., du bataillon de pionniers du 103e R.I.T., des 8e et 16e B.C.P., et au niveau artillerie du 61e R.A.C., de 2 groupes (12e et 6e) de 155-C respectivement des 116e et 132e R.A.L., des compagnies 6/3, 6/53, et 4/72 du 9e régiment du génie, du GBD42, ….
Notes du général de Barescut écrites le 29 août 1918
Le matin je vais voir les officiers des différents corps : 94e Rt – 332e Rt; 8e et 16e BCP, 61e RAC … Je trouve des officiers jeunes, pleins d’entrain, se présentant bien, des lignes stylées. A chaque réunion je fais un petit speech. Je me fais présenter individuellement les officiers et je serre la main à chacun.
Rentré au Q.G., je vois les officiers que je n’aurais pas encore vus. Les ordres de faire entrer la DI en secteur arrivent – pour la nuit du 30 au 31 et du 31 au 1er.
Je prends mon commandement le 1er à midi à Lay-Saint-Christophe – secteur calme qu’il s’agit d’organiser à peu près au complet. Ce soir avec mon chef d’E.M., je dîne chez Passaga …………
2 septembre 1918
Je pars ce matin avec les chefs de corps pour me donner une idée des secteurs. Vu PC Rochette, PC Coupole de la DI en cas d’attaque – Vu tous les observatoires de Rochette ; il y en a 5 dont pas un pour la DI ; question à régler, j’en parlerai à Passaga. D’un PC Rochette, on a une vue remarquable sur tout le secteur.
En rentrant, vu le colonel Dedieu-Anglade qui déjeune avec nous. Le général Barbier commandant l’artillerie de la VIIIe armée doit venir ce soir. Le général de Castelnau me téléphone qu’il m’attend après-demain ……
4 septembre 1918
Hier matin nous avons été en secteur, voir les observatoires de la cote 344 et au Mont Saint-Jean. Rentré à 10h – reparti en auto avec mon chef d’E.M. pour aller à Maxéville. Déjeuner chez le général Deville, commandant du 16e CA, toujours très aimable. Le 16e CA quitte la région aujourd’hui.
En revenant, je monte à cheval pour aller passer l’inspection du 2e escadron du 20e régiment de chasseurs. J’ai remis une dizaine de croix de guerre (DI, brigade, Regt) puis l’escadron a défilé devant moi au galop. Je montais « messager très ardent ».
A mon retour, je trouve le général Passaga avec lequel je cause un moment – toujours bouillonnant d’idées mais vraiment grand chef et porté sans cesse et à juste titre à maintenir et à élever encore disponible le moral des hommes.
Ce matin, vu avec mon chef d’E.M. le secteur de la DI des observatoires d’armée. C’est formidable de fils de fer, d’abris, de souterrains … etc.
Je rentre à 10h en passant par Moulins où je trouve le colonel Boyé commandant l’ID42 – réglé certaines questions. Je n’ai pas encore vu tomber un coup de canon dans le secteur – Et cependant méfions-nous.
Le soir à soir à 13h30 (!), avec le lieutenant-colonel Faure, je vais voir le groupement d’Aie Caffin, qui appuie le 94e RI. Je vois les Bies, je me fais présenter les officiers, les sous-officiers, les hommes ………
Notes du général de Barescut écrites le 21 octobre 1918
Il ne pleut plus. Je travaille toute la journée. Vu ce matin le général Tabouis[1] commandant la 13e DI, sort de secteur et va y rentrer à la droite de la Ve armée. Tout marche bien. Envoyé les officiers d’E.M. à la 73e DI prendre les documents nécessaires à la relève.
[1] Georges-Antoine-Marie Tabouis revient d’Ukraine où il a été envoyé par Clemenceau, avec pour mission d’assurer, au jeune régime séparatiste, le soutien des puissances occidentales (aide en matériel et en conseillers militaires) dans la lutte contre la Russie soviétique ! Revenus sans succès !
Notes du général de Barescut écrites le 1er novembre 1918
Bec complet – en ce qui nous concerne ; disparition d’un bataillon du 94e qui, ayant atteint le C…y[1] ? se fait envelopper – les ailes ne marchent ni à droite ni à gauche – le centre trop en pointe ne peut progresser ; pour nos début, peu heureux.
Le matin tout est parti, le 94e s’est lancé audacieusement en avant – mais la manœuvre de la 74e DI n’a pas réussi et le régiment des tirailleurs[2] qui devait arriver à 5h45 à la Croix-Dariq n’y est arrivé que 2 heures après – Voilà tout mon 94e en avant, lancé tout seul sans être appuyé sur la droite, le 332e est obligé de l’étayer sur son flanc et de s’engager en partie ; en même temps la cote 153 au nord de Chestre qui devait être enlevé par la droite de la 40e n’était pas tombée ; le 16e BCP est mitraillé sur sa gauche dans le dos et est obligé de s’étendre vers la droite pour appuyer le 94e. Celui-ci contre attaqué violemment par une nouvelle DI boche est refoulé ; des éléments sont enlevés et nous recevons par pigeons que 50h du 94e sont encerclés et se défendent sur la cote 205.
En un mot, la ligne reflue et notre avance totale se réduit à 200 ou 300m – nous faisons 240 prisonniers et perdons plus de 1.000h dont certainement 2 à 300 disparus – gai – Il ne me reste qu’un bataillon non engagé le 16e – situation pas drôle.
Malgré cela moral excellent – je tiens le coup. Reçu message téléphonique du général Garnier-Duplessix disant qu’il est content de la DI, qu’elle avait une tâche très dure … eau bénite l’ordre nous est envoyé pour demain à 11h – je bâti mon ordre mais le colonel commandant l’ID ne l’aura pas avant 22h. Je veux agir par objectifs limités – peu d’infanterie beaucoup d’artillerie, me liant à droite avec la 74e qui marche en terrain découvert – que Dieu me garde.
Vu le soir le général Herr[3] et Picot. Il n’approuve pas mon plan avec l’artillerie.
[1] Ruisseau du Caunoy ? C’est semble-t-il le 2ème bataillon, d’après le JMO du 94e RI.
[2] 5e Régiment de Tirailleurs Algériens (RTA).
[3] Frédéric-Georges Herr est maintenant Inspecteur Général de l’Artillerie (I.G.A.) où est aussi Picot.
Notes du général de Barescut écrites le 19 décembre 1918
Ce matin visité Deux Ponts[1] – grande ville – beaux magasins – pluie – neige ; à 11h30 devant le général Passaga, le colonel Boyé fait défiler le 16e BCP et (?) le 94e RI. Un groupe du 61e RAC et le groupe … (?) lourd – très bien. ; avec le général Poindron commandant actuellement la 69e DI, nous dînons chez le général Passaga ; à 14h départ pour Homburg – nous nous installons. Je suis dans une villa, au 1er étage – chez un ingénieur – Toute petite chambre, grand salon ; j’exige une chambre pour mon ordonnance et je fais installer pour lui un lit dans la bibliothèque à côté de ma chambre.
Nous avons beaucoup de difficultés à nous caser. Mon hôte est le Herr Doktor Pabst.
20 décembre 1918
Pluie – pluie – pays triste et quel paysage de ma fenêtre. Un long talus de la voie ferrée – des cheminée d’usines – des poteaux de lumière électrique.
Vu le commandant Ménétrier chargé des affaires civiles, le sous-préfet boche du district de Homburg, le général Ferru[2], mon adjoint en ce qui concerne le territoire – nous sommes tous d’accord – très fermes mais bienveillants – ne rien laisser passer.
Je viens de faciliter l’exercice du culte catholique en autorisant les gens à aller à la messe de minuit le jour de Noël. Je fais préparer une grande fête commémorative des morts de la DI pour l’un de ces dimanches dans chaque centre de groupement (district ou petits cercles : Deux Ponts, Homburg, Sankt Ingbert[3], Kusel[4].
Reçu le refus de mes deux permissions, la 1ère de 20 jours, la 2e de 7 jours. Pour cette dernière on me dit quand je serai installé.
[1] Plusieurs photos sont prises de ce défilé du 16e BCP à Deux Ponts.
[2] Barescut l’écrit Feru ou Féraud. Jules Marie Charles Ferru, général de brigade.
[3] Barescut l’écrit parfois Engbert ! Saint-Ingbert, cité plus loin.
[4] Barescut écrit Kvissel. Kusel ou Kirgel
Notes du général de Barescut écrites le 23 décembre 1918
Parti ce matin à 6h en auto avec le commandant (?) Viraud et mon brave Bignon qui allaient en permission ; arrivé à Metz à 9h ; le Maréchal Pétain est absent. Vu nombreux camarades, causé avec eux. J’obtiendrai à peu près toutes les récompenses que j’ai demandées pour la DI. Il est probable que notre DI sera encore déplacé vers l’est.
Je n’irai pas en permission. J’ai fait dire au Maréchal Pétain qu’il avait commis une illégalité en mettant les généraux de DI hors la loi commune en ne leur permettant pas de prendre leur 20 jours de permission.
Reçu la cravate avec plaque ou plaque avec cravate de grand officier du soleil levant ; jolis colifichets dans une superbe boîte de laque ; boîte à gants pour Rirette. Le général Fayolle a demandé à me voir.
24 décembre 1918
Ce matin départ avec le colonel Boyé ; nous allons voir le bataillon Bouchou[1] à Lauterecken, puis le colonel Hinaux à Kusel ; route superbe suivie à l’aller par Landstuhl, Mackenbach, Hirschorn puis la vallée de la Lauter jusqu’à Lanterecken. Gorges de la Lauter assez encaissées, hauteurs boisées (?) avec grès rouges – prés – forêt – villages propres.
Déjeuner avec le colonel Hinaux.
Vu les officiers. Je leur dis qu’ils représentent la France, qu’ils sont victorieux, qu’ils savent faire respecter leurs droits, être bien logés, avoir des popotes admirablement installées, mais qu’ils savent se conduire en gentleman bien élevés, ne rien prendre, ne rien accepter, payer tout.
Le colonel Faure est appelé au ministère à Paris, grosse perte pour la DI.
[1] 6e bataillon du 332e RI.
Notes du général de Barescut écrites le 21 janvier 1919
Ce matin, déjeuner avec les officiers du 332e, colonel Hinaux, commandant Bouchou, commandant Périgot[1], capitaine Manvielle (?), capitaine Navarre[2], et le colonel Hergault. Après déjeuner, nous partons pour Deux Ponts où nous avons la remise des fourragères rouges aux 8e et 16e BCP par le général Fayolle, jaune aux 332e, 94e, 151e, et 61e RAC. Croix de guerre au GBD42.
Les troupes étaient admirablement disposées sur une grande place de Deux Ponts[3] – les drapeaux au milieu avec tous les fanions – on rappelle brièvement les différentes citations et le général Fayolle accroche les citations aux drapeaux ou fanions.
Je commande ensuite garde à vous, présentez arme et après avoir placé le drapeau du 332e devant le front, j’au gueulé : « le 332e RI quitte la DI, une dernière fois nous allons rendre les honneurs à son glorieux drapeau ».
Je commande : « au drapeau ».
On a ensuite défilé en masse devant le général Fayolle et devant le drapeau et la compagnie d’honneur du 332e.
Je reviens à Homburg dans la voiture du général Fayolle. Il s’est arrêté chez moi et a beaucoup cause. Il est de mon avis : « ne pas annexer le Palatinat mais l’artillerie à nous ».
Hier à 18h une jeune fille entre chez moi et dans le plus pur français me dit qu’on empêche sa sœur d’entrer dans la maison – c’était la fille du locataire du rez-de-chaussée : « j’ai fait mes études, me dit-elle, dans un couvent de Metz, ma sœur et moi nous parlons français ». Je descends avec elle. La sentinelle devant la porte de la rue empêchait tout le monde d’entrer. Il y avait la sœur, la tante, un professeur …etc, qui attendaient dans la rue. J’ai adouci la consigne par trop brutale de ma sentinelle.
Hier soir, soirée théâtrale au théâtre par un bataillon du 151e – 2 piécettes : Hortense a de la vertu – L’anglais tel qu’on le parle[4] – très bien ma foi.
Ce soir, autre représentation théâtrale par la troupe de la DI.
[1] Barescut écrit Perregau ! D’après le JMO du 332e, remarquablement tenu en particulier au niveau nominatif, il commande le 4e bataillon.
[2] Officier de renseignement à l’E.M. du 332e RI.
[3] Quelques photos sont disponibles pour cet évènement.
[4] De Tristan Bernard .
Notes du général de Barescut écrites 13 février 1919 – Bischwiller
Départ de Niederbronn – très froid – Je quitte sans regrets cette petite localité où je suis resté calfeutré pendant 6 jours dans ma chambre. Nous remplaçons ici la 127e DI. J’ai vu le général Rampont commandant cette DI. Il m’a présenté le maire et les deux adjoints. Je suis très bien logé chez un filateur français. Les bureaux sont installés dans l’appartement d’un officier boche … absent (?).
Bischwiller est une petite ville cancanière et potinière … la DI qui nous précède ne s’occupait que de petites questions … petites choses.
14 février 1919
R.de.n. Je reste enfermé, je lis. Mon auto a été brisée à la suite d’un accident ; son conducteur étant sorti pour l’essayer.
De Bouglon est rentré de permission.
15 février 1919
Je reste chez moi – dégel – boues et neiges glacées. Je ne suis pas encore sorti de Bischwiller. Conversations toujours les mêmes … que fait l’Allemagne ? Wilson … ? Nous nous laissons endormir par les Boches …. Aucun intérêt.
16 février 1919 – dimanche
A 9h je suis à la messe de l’église de Bischwiller ; pauvre église, bien nue – le curé me dit avoir 3.000 paroissiens sur une population de 7 à 8.000 âmes – il s’entend très bien avec les protestants.
Hier soir le général Passaga est venu me voir. Il ne sait pas si nous devons rester dans sa zone … il y a des chances pour que nous partions.
Peu après une dame de la Croix-Rouge et la femme du maire Me Lix viennent me voir – Curiosité féminine. Elle me parle du cercle du soldat, d’une infirmerie militaire à organiser. Je réponds que je ne demande pas mieux. Reçu lettre d’invitation à dîner du maire et de Me Lix pour mardi soir. Je réponds que j’accepte.
Il pleut – dégel complet.
Notes du général de Barescut écrites 6 mai 1919
Hier reçu lettre du général Pershing me conférant la médaille des services distingués. J’avais reçu à Bax une dépêche me disant de me rendre à Metz pour recevoir cette médaille des mains du général Pershing. N’ayant pas l’intention de prendre un jour de permission, j’avais répondu que je ne pouvais y aller.
J’apprends également que j’ai reçu la croix de guerre belge.
Aujourd’hui charmante excursion en auto avec Mr de Leusse, de Bouglon et Jacomet – par Niederbronn à l’étang de Waldeck au nord de la route de Bitche ; petit lac merveilleux sur les bords duquel se trouve les ruines du château de Waldeck d’un p… (?) naturel – à pied à travers la forêt de Waldeck et le petit étang de Lieschbach – vu les splendides ruines du château de Falkenstein perché sur un rocher d’où l’on aperçoit un point de vue splendide sur les Basses Vosges et la Hardt[1] – véritables vagues de hauteurs boisées – En rentrant vu le colonel Mangin[2] une brigade de chasseurs à Landau, l’ancien chef d’E.M. du général Passaga, mon camarade de l’école de guerre.
Hier soir le 151e a joué avec sa musique dans la cour du château ce qui n’avait pas eu lieu depuis le 5 août 1870 – je l’ai dit aux musiciens et Mr de Leusse leur a distribué des cigarettes.
7 – 9 mai 1919
Hier jeudi, grand déjeuner au château, Me de Leusse en face de moi, son mari à ma droite, son fils, le général Passaga, le capitaine Dupuy – mon E.M. Concert instrumental.
Le soir visite à Bischwiller, Vandemelde, Hensch … etc. Les ouvriers de Frœschwiller (?) sont en grève.
10 – 11 mai 1919
Promenade à cheval avec Jacomet et Mr de Leusse – à la Glashutte très jolie propriété appartenant à Me de Pourtalès. Sur un plateau, prairie de 41 hectares, entouré de bois, s’élèvent d’anciennes maisons alsaciennes mal restaurées par les Boches – vue superbe.
Le soir retraite aux flambeaux.
Aujourd’hui 11, dimanche, à Wissembourg.
……
6 juin 1919
Le soir chasse avec Mr de Turckheim, manqué encore un chevreuil – reçu lettre de Dufour m’annonçant que nous allons à Metz – la tuile – vu Mr Ober.
Le soir diner chez Me Dietrich – vu les beaux frères.
[1] La Hardt (ou Harth), est l’une des plus grandes forêts domaniales de France.
[2] Louis Émile Mangin, nommé à l’E.M. du 32e CA le 22 juillet 1916. Il commande la 94e brigade (ID47).
Notes du général de Barescut écrites 6 septembre 1919 – Metz
Avant-hier soir j’ai diné avec le Maréchal Pétain chez Maltrier. Il était avec le lieutenant-colonel C …. ? et un chef de bataillon. Il avait invité le général de Maud’huy et son fils et deux dames américaines qui s’occupent de la reconstitution des régions dévastées de l’Aisne ; parmi ces 2 dames, Miss Morgan[1]. Très grand déjeuner, très gai – les 2 dames en grande toilette décolletées.
Hier matin à 9h, j’ai été voir le Maréchal dans son train. Nous avons causé très longtemps et à cœur ouvert. ; avant même de me demander ce que je pensais de la situation morale et matérielle de l’armée, il m’a confié ses projets. Il ne sait pas lui-même ce qu’il deviendra. Dans quelques jours, Clemenceau veut faire les élections et établir le haut commandement ; s’en ira-t-il ? peut-être ! Dans tous les cas il vit au jour le jour, il est resté le journaliste faisant son article quotidien. Après avoir été bien avec le Maréchal Foch, il est actuellement en froid. Il n’a pas été de son avis lors de la discussion des clauses du traité de paix ; le Maréchal Foch, très énergiquement et à juste raison a soutenu sa manière de voir – D’où heurts et …. ? Clemenceau fait bonne risette en ce moment car il s’agit de maintenir l’union sacrée jusqu’aux élections, mais il se rapprocherait du Maréchal Pétain ; l’entourage du Maréchal Foch, Weygand, Desticker poussent le patron à se maintenir à la tête de l’armée, ce qui est naturel. Cependant il y aurait de quoi faire sans s’immiscer dans les détails mêmes de l’armée française. Sans rester commandant en chef des troupes alliées, il pourrait conserver la haute direction sur les théâtres extérieurs, s’assurer que l’Allemagne remplit toutes les clauses du traité de paix. Mais cela ne suffit pas à son entourage. Ils représentent alors le Maréchal Pétain comme un intrigant d’autant plus dangereux que froid et réservé. Ainsi il ne voit personne, ne se prodigue pas. En bref le Maréchal Pétain ne sait pas ce que l’on va faire de lui. Il a un projet : il voudrait être président du conseil de la guerre. Clemenceau dans une conversation l’aurait pressenti – Mais rien de ferme, de net … Vice-président du conseil supérieur de la guerre il voudrait avoir sous ses ordres un grand état-major avec Buat comme major général (celui-ci ne viendrait pas à Metz) et quelques officiers choisis qui étudieraient tout ce qui est relatif à la guerre. Ce serait, en quelques sortes, l’état-major avant, mais qui aurait sous ses ordres l’état-major arrière. Or à la tête de cet état-major se trouve le général Alby[2]. Celui-ci coiffé par les politiciens n’a plus aucune décision ; le général Pétain veut que je le remplace, car de par son âge il s’en irait en retraite en février prochain. J’ai fait des objections disant que j’étais sans fortune, que je m’installais à Metz, que je ne voulais pas vivre à Paris. Le maréchal Pétain me dit qu’il demanderait pour moi un logement à Paris, de ne pas interrompre mon installation, qu’il m’écrirait …
Le chef d’état-major de l’arrière ou major général de l’arrière serait naturellement moins ancien que le major général de l’avant de façon que l’avant domine entièrement l’arrière ; le Maréchal Pétain aurait non la signature de tout ce qui concernerait l’arrière, mais serait au courant de tout ce qui se fait – le major général de l’arrière présenterait directement la signature au … (ministre ?).
Tout ceci se fera-t-il ? J’en doute fort.
Le Maréchal Pétain aurait ainsi sous ses ordres toutes les directions. Une fois par semaine, il réunirait les directeurs de manière à supprimer toutes les cloisons étanches. Tout le monde marcherait ainsi dans la même voie – beaux projets ! nous attendrons.
Nous avons ensuite beaucoup parlé de la situation des officiers. Certes le Maréchal fait tout ce qu’il peut mais il ne réussit pas toujours. Je lui ai cité des quantités de cas intéressants. Il me répond toujours qu’il ne peut rien, que le ministre de la guerre est impuissant, qu’on ne fait rien, qu’on aboutit à rien.
En ce qui concerne les troupes, c’est identique. Le Maréchal voudrait reconstituer l’armée ; il a de vastes projets : réduire les unités qui doivent se suffire avec les classes 18 et 19 déjà bien amoindries.
Il m’explique ses idées – supprimer le système quaternaire … le remplacer par un système ternaire de la DI à 3 régiments … ? constituer le RI à 2 bataillons … ? supprimer purement et simplement quelques unités …. ?
Nous parlons de l’armée d’occupation de général Mangin – il fait de la réclame … se fait interviewer.
Nous réveillons des souvenirs de guerre ; je lui parle de ma situation à Metz et lui dit toute la vérité.
Il revient avec moi visiter à l’improviste les 26e et 16e BCP – les casernes sont immondes – Il s’en rend compte. Que peut-il, que peut-il faire … ?
Nous déjeunons ensuite avec le mêmes convives que la veille.
[1] Pétain a assigné à une vingtaine de volontaires américaines, pilotées par Anne Morgan (fille du banquier célèbre) et Anne Murray Dike les secteurs les plus détruits de l’Aisne et de l’Ailette.
[2] Henri Marie Camille Édouard Alby (X-1876).